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L’annonce de Donald Trump, peu avant sa rencontre avec son homologue chinois Xi Jinping en Corée du Sud, de reprendre les essais nucléaires américains fait pour cela sens même s’il ne s’agit de sa part que de répondre aux discours agressifs du maître du Kremlin. Ce dernier a annoncé la mise au point d’un nouveau missile intercontinental à propulsion nucléaire – le Bouverestnik (oiseau de tempête) censé être unique en son genre – qui, après 13 essais infructueux ces dernières années, a réussi un vol de 14 000 kilomètres. Peu après il présentait aussi un surpuissant drone sous-marin le Poséidon, lui aussi à propulsion nucléaire.
Indépendamment des charges qu’ils pourraient porter – nucléaire ou conventionnelle –, les deux sont dangereux déjà par les effets de pollution radioactive de leur propulsion. D’où le surnom de « Tchernobyl volant » du premier et la crainte du tsunami radioactif qu’entraînerait l’utilisation du second. « Ces annonces russes sont avant tout des gesticulations », relève Benjamin Hautecouverture, historien et chercheur à la Fondation pour la Recherche stratégique soulignant que ces nouvelles armes ne changent pas fondamentalement la donne.
Un message avant tout politique pour Donald Trump
L’annonce de la reprise des essais nucléaires américains – si elle se concrétise — serait un tournant après trente-trois ans d’interruption imposée par le traité d’interdiction de 1996. Les autres Etats dotés de la technologie militaire, membres permanents du Conseil de Sécurité, ont tous respecté cet engagement… Au moins en apparence. La Russie comme la Chine estiment en effet que le traité n’interdit pas les essais dits « sous-critiques » c’est-à-dire de très petite puissance. En tout cas il ne s’agit plus depuis des décennies d’explosions dans l’atmosphère mais de tests simulés en profondeur du sol dont l’intérêt technique est par ailleurs très limité. Il n’est pas clair non plus dans le verbe trumpien de savoir s’il s’agit à proprement dit de reprendre des essais nucléaires, ce qui nécessiterait jusqu’à 36 mois de préparation ou de réaliser des tests de vecteurs que toutes les puissances nucléaires, y compris les Etats-Unis continuent de pratiquer.
A quelques jours de l’anniversaire de son élection, le sens de ce très flou message du locataire du bureau ovale est avant tout politique. « Ce que je dis, c’est qu’on va faire des essais nucléaires comme d’autres pays le font », a expliqué Donald Trump, sans répondre précisément à une question portant sur la détonation même de charge nucléaire, que les Etats-Unis n’ont plus pratiquée depuis 1992.
Il insiste notamment sur la nécessité pour les Etats-Unis de conserver leur primat aussi sur le nucléaire. Selon les estimations des chercheurs dont ceux de la Federation of American Scientists , Moscou disposerait de 5 580 ogives donc un peu plus que Washington (5 225) loin devant la Chine (600). Mais l’affirmation de la toute-puissance américaine thème récurrent de l’egodiplomatie trumpienne ne peut ignorer l’arme atomique.
Donald Trump est un homme de la guerre froide
Lors de son précédent mandat, il n’avait pas hésité à brandir face à la Corée du Nord la menace « d’une totale destruction » pour aboutir à trois rencontres avec Kim Jong-un qui ne donnèrent aucun résultat . Lors de son second mandat, la première passe d’armes verbale sur le nucléaire avec la Russie avait eu lieu en août avec son annonce du déploiement de deux sous-marins nucléaires, sans préciser s’il agit de propulsion ou de porteurs de missiles, dans des zones proches de la Russie en réponse à des propos jugés « provocateurs » et « incendiaires » de Dmitri Medvedev. Il rappelait dans son son message sur Truth social aussi que « les mots comptent et peuvent avoir des conséquences imprévues » .
De par son âge, Donald Trump, comme son prédécesseur Joe Biden, est un homme de la guerre froide. Sa vision du monde et des grands enjeux stratégiques s’est structurée sur l’équilibre de la terreur entre les Etats-Unis et l’Union soviétique avec la conscience du risque d’un anéantissement réciproque. Cela explique autant sa fascination pour Vladimir Poutine que sa prudence vis-à-vis du Kremlin et ses craintes d’une escalade incontrôlée même s’il n’hésite pas non plus à l’occasion à reprendre à son compte « la théorie du fou » telle que l’avait formulé en son temps le secrétaire d’État Henry Kissinger à propos de Richard Nixon qu’il présentait comme irrationnel et donc d’autant plus dangereux, crédibilisant ainsi la dissuasion américaine .